Où mon nom ridicule finit d'une façon presque ésotérique par se fondre à la pluie qui tombe sur Manhattan...

C'est paradoxal. Pas dans le sens de la chanson de Joe Bocan mais dans le sens où c'est tout simplement paradoxal d'assister à la projection d'un court-métrage dans lequel on a joué. Paradoxal parce que d'un côté, tu veux absolument y assister pour voir la réaction du public, mais de l'autre côté tu voudrais être n'importe où sauf devant l'écran au moment où le film passe.

Et c'est encore pire quand tu es particulièrement poche comme comédien. Mais le top du top au rayon "Pire affaire", c'est que je trouve mon nom lette faque ça me fait honte à chaque fois que le vois sur un écran. Je sais pas pourquoi mais je suis comme complexé par mon nom. Je le trouve stressant. Joël Martel. En plus ça rime. Joël Martel. Non mais, tu parles d'un nom de marde. En fait, la seule chose que j'aime un peu dans mon nom, c'est le tréma mais même là, des fois je le skip.

J'aime tellement pas mon nom que pendant toute mon adolescence, j'ai tenté toutes les manoeuvres possibles afin d'avoir un surnom mais comble du malheur, à la différence de Goulot ou Héro, qui auraient probablement préféré se faire interpeller par leur vrai nom, le mien m'a toujours collé à la peau. Joël Martel.

Mais là, à partir de ce soir, je pense que les choses vont changer. C'est que ce soir, c'était le 3 REG. Depuis le début janvier, je collaborais régulièrement avec Jean-Marc et disons que j'ai tendance à toujours jouer le même personnage. En fait, rendu là ce n'est même plus ce qu'on appelle une tendance, je l'assume, je joue toujours le même personnage. Jusqu'ici, malgré quelques critiques jamais méchantes, je m'en sortais plutôt bien sauf que disons que ce soir, j'ai comme un peu poussé ma luck...

Comme Jean-Marc m'avait fait savoir que pour les prochains 3 REG, notre collaboration ferait une petite pause, P-O m'a invité à rejoindre Les Castors pis là, au dernier 3 REG, on a fait Grégo "Ray" Charles. Pis là pour cette semaine, on a fait Michel, film dans lequel je jouais notamment dans un bol de toilette. Mais voilà que le jour du tournage, Jean-Marc m'a contacté et m'a demandé si j'étais partant pour participer à un second projet. Je voulais pas trop sauf que quand il m'a raconté son idée, j'ai trouvé ça super bon faque j'ai dit "oui". Mauvaise idée.

Parce que ce soir, imaginez-vous donc que les deux films dans lesquels je jouais étaient présentés dans le même bloc. Le premier en plus. Premier film, celui avec Jean-Marc. Le monde semble avoir du plaisir et les applaudissements sont réconfortants. Second film avec Freddie Smooth et même la voix de Roby. Troisième film, celui avec P-O. Là, on me revoit la face. "Encore lui!" par-ci. " Ben voyons!" par-là. Je trippe pas pantoute. Je voudrais crisser mon camp. Le film finit. Il y a quelques applaudissements mais je n'y crois plus.

Sébas l'animateur enchaîne le prochain bloc en disant: "C'était Joël Martel dans deux rôles complètement différents". Et voilà pour le sarcasme. L'arroseur arrosé. Mais comme on dit, faut savoir prendre les coups et même, les apprécier. Et c'est que je fais. Disons que j'ai pas le choix parce que selon mes sources, y a ben du monde qui sont tanné de me voir la face pis je comprends crissement ça. Comme je veux pas faire chier personne, je vais en profiter pour me retirer pis revenir à ma vie d'ermite d'autrefois, soit celle de blogueur du futur et auteur-compositeur-interprète déchu.

Parce que parti comme c'est là, ce sera pas long avant que j'aie enfin un surnom. J'entends déjà le monde parler de moi en me traitant de 3 Regory Charles. Non, l'ubiquité, le moins souvent possible. Je suis pas bon dans toutes. En fait, je suis presque bon en rien. Je suis pas Grégory Charles. Je suis Joël Martel. Non mais, tu parles d'un nom de marde...

Anecdote cocasse de la soirée. Johnny et moi, on a fait croire à un homme dont nous respecterons l'anonymat, que notre travail à la bibliothèque consistait en fait à deux fonctions. L'une, bien entendu, en tant que commis de bibliothèque mais l'autre, en tant que chercheurs pour le nouveau Guide alimentaire canadien. Nous lui avons cité comme exemple de réalisations effectuées par nos recherches le retrait total de la pomme de terre dans le prochain Guide.

"Savais-tu que selon des recherches crissement sérieuses, les plus grandes universités, les pommes de terre devraient être consommées uniquement par des militaires?" qu'on lui a dit. "Y a tellement de protéines pis de vitamines dans une seule pomme de terre qu'un être humain normalement constitué pourrait jamais toute les assimiler en une seule journée! Mais ça t'en parle pas OK. Pas un mot. C'est Top Secret."